UN avec l’Univers

Le Maître Ueshiba répétait souvent cette parole qu’il convient de méditer profondément: 

« Je suis UN avec l’Univers, et je ne suis rien d’autre. 
Si quelqu’un s’oppose à moi, 
il s’oppose à l’univers lui-même ».

 Que signifie être UN avec l’Univers ? 

Les physiciens disent que l’univers est composé de matière, de chaleur et d’énergie, qui se résolvent en éléments, en ondes, en forces. Mais il y a un aspect de l’univers qu’il ne faut pas négliger, sans quoi, nous n’en aurions qu’une idée imparfaite. L’univers, aussi bien l’infiniment grand que l’infiniment petit, est organisé, structuré il se meut selon un ordre, et c’est pour cela que les savants peuvent découvrir des « lois » physiques, des « lois » thermodynamiques, c’est-à-dire des constantes créatrices d’ordre et d’harmonie.

Les milliards de galaxies qui circulent dans notre univers, comme les milliards de particules qui constituent le moindre caillou se meuvent à des vitesses inimaginables et dans un désordre apparent. Mais en réalité, si elles n’étaient pas « ordonnées », de telles énergues engendreraient le chaos, alors qu’au contraire elles créent cette beauté, que nous admirons quand nous contemplons un ciel étoilé aussi bien que la moindre fleur, le regard d’un enfant comme l’immensité de l’océan.

De ce point de vue, l’homme est aussi un univers, dont les composants ne sont pas nécessairement ni toujours en ordre, mais dont l’ensemble est vie, sensibilité, intelligence, autrement dit: un chef-d’oeuvre d’organisation et d’unité.

Je suis une partie de l’univers, 
Minuscule, certes, 
Mais univers tout de même; 
Immense comme l’autre, 
Profond comme l’autre, 
Insondable comme l’autre, 
Immergé dans l’univers 
Et pourtant capable de l’embrasser tout entier, Je suis en lui, 
Il est en moi. 
Nous ne faisons qu’UN.

Je suis fait de la même matière que lui. 
Comme lui, et parce que je suis lui, 
J’émets des ondes, des énergies. 
Je puise ma vie dans l’air qu’il me donne. 
Je tire ma joie de la lumière qu’il m’envoie. 
Je prends force dans les énergies qu’il rayonne. 
Seulement, peu d’hommes savent cela. 
Peu nombreux ceux qui en prennent conscience. 
Et pourtant, tous, nous sommes cela; 
Tous, nous sommes dans l’univers 
Tous et chacun, nous sommes l’univers. 
Il est notre père commun. 
En lui nous sommes tous frères. 
Quand je monte sur le tatami, 
Quand je salue mon adversaire, 
C’est un frère que je salue. 
Nous sommes l’un et l’autre dans le même univers. 
Nous sommes l’un et l’autre le même univers. 
L’énergie de l’un est l’énergie de l’autre. 
Le Ki au centre de moi, 
Le Ki au centre de lui, 
C’est la même énergie, la même vie. 
Blesser l’autre serait me blesser. 
Tuer l’autre serait me tuer.

S’il ne sait pas encore qu’il est mon frère 
il m’appartient de le lui apprendre. 
Si la haine, l’ambition, le désir de vaincre l’animent encore, 
il m’appartient de lui monter, 
calmement, mais invinciblement, 
que nos forces ne peuvent nous opposer 
puisqu’elles sont la même énergie. 
celle de l’univers, qui nous unit.

L’Aikido est sans doute une technique, qu’on ne maîtrise vraiment que par une pratique assidue et vigilante, mais il est surtout la prise de conscience progressive de la présence en nous de cette énergie universelle qu’on appelle le Ki.

C’est lui qui me fait Un avec l’univers; 
C’est lui qui me fait Un avec chacun de mes frères; 
C’est lui qui me fait Un avec tous les hommes; 
C’est lui qui me fait Un avec moi-même.

Par lui, je me connais comme universel; 
Par lui, je me connais comme univers; 
Par lui, « je ne suis rien d’autre » qu’un univers.

En lui, je franchis les limites de mon ego; 
En lui se dissoud mon moi; 
En lui, de tout homme, je peux dire: 
Tu es moi. 
Je suis toi.

Délivré de mon moi, je deviens invulnérable: le « rien » est inattaquable. 
Délivré de mon moi, je deviens perméable: à toi comme à l’univers. 
Délivré de mon moi, je laisse place en moi à l’énergie cosmique.

Elle vivifie mon corps. 
Elle réchauffe mon coeur. 
Elle éclaire mon esprit. 
Elle me dépouille de tout l’accessoire. 
Elle me donne de communier à l’essentiel. 
Elle me simplifie, elle m’unifie.

La pratique fervente de l’Aikido est le moyen le plus efficace de prendre conscience de la présence, au plus profond de moi-même, de cette énergie cosmique. Dans une telle pratique, mon corps lui-même m’enseigne et m’instruit. Avec la simplicité de son naturel, dans la spontanéité même de ses réflexes, le corps me met en contact vécu avec cette énergie, qui est la source, le sens et la fin de mon existence. Le corps me fait participer à cette dynamique prodigieuse qui fait tourbillonner les mondes et les atomes, mais dans un ballet règlé, ordonné, harmonieux. 
Dans cette communion avec l’énergie universelle, je découvre la force qui est en moi en même temps que ma totale dépendance par rapport à elle. C’est ce que signifie la parole du Maître Ueshiba: « Je suis UN avec l’Univers » c’est-à-dire: j’ai sa puissance, je suis cette énergie; « et je ne suis rien d’autre », car c’est elle qui me fait, qui m’engendre, elle est ma vie, elle est mon être; sans elle je ne suis rien. 
La pratique de l’Aikido rend évidente la nécessité de consentir à notre dépendance: on ne s’oppose pas à l’énergie universelle; une telle opposition nous serait fatale. Elle serait stupide, car c’est au contraire par l’adhésion totale et volontaire à cette énergie qu’on la fait sienne.

Dans la fréquentation quotidienne de cette énergie, j’apprends d’elle à me donner, comme elle se donne à moi, généreusement, sans réticence, sans attendre de retour, de façon désintéressée. 
J’apprends aussi que la loi, la règle, l’ordre, qui gouvernent l’univers, sont la loi, la règle et l’ordre de ma propre vie, que je ne peux construire ma vie qu’en me soumettant joyeusement à leur rigueur, source de beauté, condition de l’harmonie universelle. 
J’apprends aussi, dans le jeu libre et plaisant de mon corps, à mieux ressentir la souffrance de ceux qui sont privés de cette liberté, frustrés de ce plaisir, de ceux qui sont privés de toute liberté, de ceux qui sont frustrés de tout plaisir.

Alors naît la compassion.

L’Aikido, c’est aussi cela : faire mienne la souffrance des hommes, des femmes, des enfants surtout, car eux aussi font partie de l’univers, de mon univers. Ils font partie de moi. C’est dans la mesure où je suis plus intimement proche de la source de l’énergie cosmique présente en moi, que je puis rayonner cette énergie et apporter à ceux qui souffrent réconfort, courage, espérance.

La pratique sérieuse de l’Aikido réalise ce prodige de me faire comprendre à travers les mouvements de mon corps ce que d’autres peinent à concevoir par l’esprit, à savoir que pour exister, pour vivre, pour devenir un homme, pour être un homme, il faut s’ouvrir à l’immensité d’un amour universel.

Le Ki est la vie, 
Le Ki est amour. 
Le Ki donne la vie, 
Le Ki rayonne l’amour. 
Je suis le Ki, 
Si j’adhère à lui, 
Si j’accepte sa force, 
Si je fais mienne son énergie. 
Alors, de moi, comme de lui, 
Émane une force, 
Jaillit une énergie, 
Qui diffuse à l’entour, 
Calme, paix, sérénité.

AIKIDO est amour.

Oui, il faut le redire, AIKIDO est amour. 
C’est une vérité qui a éclairé et embelli ma vie. 
J’essaye de la traduire en termes humains, 
pour qu’elle parle aux hommes du monde entier. 
Elle est contenue dans ces trois syllabes : AI KI DO. 
Pour faire comprendre cela, je fais appel 
à la plus haute activité de l’esprit, 
à l’intelligence de l’homme.

Savez-vous ce que c’est qu’aimer ? 
C’est se dépasser dans le don généreux de soi, 
pour le bien des autres, 
pour se reconnaître soi-même dans les autres. 
Savez-vous ce qu’il faut faire 
pour atteindre la plénitude de la vie ? 
C’est se consacrer au bonheur des autres, 
nos frères, avec qui nous ne faisons qu’un. 
Savez-vous comment réaliser 
l’unité et l’harmonie entre les hommes 
et donner à chacun la plénitude de sa perfection ? 
C’est en pratiquant l’AIKIDO.

L’amour humain est différent de l’amour qu’est l’AIKIDO. 
Il y a de la passion dans l’amour humain, 
Un désir qui cherche à s’assouvir. 
C’est un amour qui est humain et donc éphémère. 
L’esprit aspire à davantage. 
L’esprit cherche à se libérer des craintes, des regrets, des désirs, des rêves qui handicapent sa marche vers le haut. 
L’amour humain éblouit et charme, parce qu’il a sa beauté propre, mais c’est une beauté passagère. 
L’amour qu’est l’AIKIDO est le don désintéressé de soi-même. 
Pour qu’un tel amour impreègne l’esprit de l’homme, 
il faut que l’homme se dispose à le recevoir. 
L’amour qu’est l’AIKIDO est différent de l’amour simplement charnel. 
Il est universel et va vers tous les hommes. 
Il porte la paux dans le monde. 
Il unit tous les peuples de la terre. 
Il fait de tous les habitants de la terre une grande famille. 
Il fait de tous les hommes des frères. 
Il est sur terre le reflet de l’harmonie du ciel.

Pratiquer l’AIKIDO, 
c’est construire l’union de la famille humaine; 
c’est apprendre à vivre ensemble, 
dans la concorde et la solidarité. 
Nous sommes tous frères, 
de même coeur et de même sang. 
Au plus intime de chacun de nous, 
Jaillit la source de l’être, 
Le même être pour tous. 
Il crée entre nous un lien infrangible. 
Dans les désaccords et les conflits, 
L’AIKIDO ne cherche pas à anéantir l’adversaire, 
Mais à neutraliser son hostilité, 
À l’amener, sans l’humilier, à reconnaître 
L’absurdité de son agressivité, 
La nécessité de la réconciliation.

Si l’esprit de l’AIKIDO 
animait tous les hommes, 
il apaiserait les passions, 
il apporterait plus d’équilibre, 
il insufflerait plus de raison.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.