Ceintures noires

Ceinture noire, objet chargé de signification, évocation de maîtrise, d’invincibilité même. La ceinture noire est avant tout une étape, un passage. Le passage de l’apprentissage de la technique à celui de l’art.

L’examen ou le passage de grade à la ceinture noire est avant tout un message, un signal que le senseï envoie à l’aïkidoka pour lui dire: « Arrête de lire le dictionnaire, commence à écrire ton livre, développe ton style, celui qui te permet de t’exprimer ».

J’ai déjà écrit par ailleurs que la signification des grades en aïkido est toute relative. Le grade que porte un aïkidoka est l’expression du regard de celui qui l’a octroyé sur sa pratique. Extrayons-nous un instant du canevas rigide dessiné par les fédérations d’Aïkido en quête d’une hypothétique universalité des grades, pour nous interroger sur la signification de l’octroi d’un grade.

Elle tient, selon moi, en un mot: reconnaissance. La reconnaissance est un regard nouveau, attentif sur ce que l’on connaît. C’est aussi une naissance, un début. Les ethnologues ont abondamment décrit comment les peuplades d’Afrique saluent une personne en leur disant « Je te vois ». C’est la plus grande marque de notre humanité que celle qui consiste à voir et être vu. Je te vois, c’est prendre conscience que l’autre existe, porter mon attention. Le passage de grade est un rituel durant lequel l’aïkidoka se montre mais surtout c’est le moment solennel durant lequel le senseï mais aussi tous les autres aïkidokas « voient », regardent, reconnaissent celui ou celle qui exécute les mouvement. Ramener ce moment à une démonstration d’un catalogue technique enlève sa noblesse à cet instant précieux.

Je te vois, je te reconnais, voilà l’essence d’un passage de grade. Et celui-ci se ponctue par un certificat, un document par lequel le senseï s’engage vis-à-vis de l’extérieur.

C’est comme cela que j’ai vécu l’important moment d’hier au dojo Kimochi de Namur. Hier soir, Luc, Fred et Vincent ont présenté au groupe et devant moi leur connaissance du programme de la ceinture noire. Je les avais déjà vu dans leur préparation, dans leur pratique au quotidien. Ils étaient déjà au-delà des attentes que l’on pouvait espérer voir à ce niveau mais il fallait ponctuer leur progression, marquer l’instant, formaliser le moment.

Ils ont démontré qu’ils avaient étudié le dictionnaire même s’ils se sont déjà à foison aventurés dans l’écriture Aïki. 

Ce passage, hier, fut une étape de leur voyage, le moment de faire le point, de choisir l’itinéraire pour la suite.

En tant que senseï, je suis empli de joie et de gratitude d’avoir vécu ce moment d’autant que c’est au Kimochi que Luc, Fred et Vincent ont fait leurs premiers mouvements d’aïkido. Un beau moment en cette année du vingtième anniversaire du dojo 

Bravo à vous trois.

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